Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
LA MARQUISE DE GANGE

gnait sans les exalter ; il les montrait, et l’on adorait. S’agissait-il de l’incrédule, il en niait jusqu’à l’existence : « Il ne sent donc pas, s’il ne croit point ; il est donc aveugle, s’il méconnaît son Dieu. Le sentiment et l’amour doivent être la même chose dans une âme sensible, s’écriait Eusèbe ; ô cœurs ingrats ! pouvez-vous nier l’existence du Dieu que je vous offre, puisque sa main seule vous préserve encore au milieu des malheurs où votre endurcissement vous plonge ? À qui devez-vous de n’être pas écrasés par ceux que vos maximes corrompent ? À lui seul ; et vous le niez ! Il vous tend une main secourable, et vous le repoussez ! Je ne vous parlerai pas de sa colère… Vous la méritez trop pour que je vous en effraie : non, je ne veux vous rappeler que ses bontés. Pressez-vous d’entendre la voix de sa clémence, et ses bras vous seront toujours ouverts. »

Il y a beaucoup de protestants à Gange ; sur la réputation d’Eusèbe, plusieurs étaient venus l’entendre. Ils furent aussi attendris que les catholiques : l’amour de Dieu est de tous les temps, de tous les lieux, de toutes les religions ; c’est un point de contact où se réunissent tous les hommes, parce que tout être qui jouit de sa raison doit nécessairement un culte et des tributs de reconnaissance à celui de qui il tient la vie. Toutes les vertus découlent de l’admission sincère de ce système, disposant l’âme à cette sensibilité qui