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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/58

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LA MARQUISE DE GANGE

juste le vengera tôt ou tard de l’importunité de son persécuteur ? Que dit le pauvre, quand on le dépouille ? Que dit l’infortuné quand on l’écrase ? Eh ! s’écrient l’un et l’autre, en versant des larmes qu’essuie promptement la main de l’espoir, il sera jugé comme moi, celui qui me tyrannise ; nous paraîtrons ensemble au tribunal de l’Eternel, et c’est là que je serai vengé. N’enlevez pas au moins cette consolation au malheur ; hélas ! c’est la seule qui lui reste, quelle barbarie de la lui ravir !

Les beaux yeux d’Euphrasie, d’accord avec la bonté de son cœur, approuvaient tout ce que disait madame de Roquefeuille ; mais Théodore, distrait, cherchait à faire prendre à la conversation un tour un peu moins sérieux ; il y parvint, et l’on sortit de table.

Tels étaient à peu près les entretiens, les amusements, les occupations du château de Gange, quand les frimas de l’hiver firent place aux douceurs du printemps. L’état du cœur de Théodore était toujours le même, et il se décidait enfin à s’arracher d’une maison beaucoup trop dangereuse pour lui, quand une conversation qu’il eut avec le perfide Perret vint ranimer en lui l’espoir d’un triomphe sur lequel il ne comptait plus.

— Mon ami, dit-il à ce dangereux confident, voilà l’hiver passé, et je suis toujours au même point : les roses me retrouvent où m’avaient laissé