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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/15

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Après deux grandes heures de marche, on arrive enfin dans un château, situé au fond d’un large valon, environné de hautes-futaies, donnant à cette habitation l’air du monde le plus sombre et le plus sauvage. La porte de cette maison était tellement masquée par des massifs de bois et de charmilles, qu’il était impossible de la deviner. Ce fut là que Justine, guidée par le maître même du lieu, pénétra sur les dix heures du soir. Pendant que, placée tout de suite dans une chambre où on la vérouille avec soin, cette pauvre créature cherche à trouver un peu de repos au milieu des nouvelles horreurs qui l’environnent. Développons ce qu’il faut qu’on sache de cette aventure, pour y prendre un peu d’intérêt.

Monsieur de Bandole, homme fort riche, et jadis de robe, était le seigneur du château dans lequel lui-même venait d’introduire Justine. Retiré du monde dès l’époque où il avait hérité de son père, Bandole, depuis plus de quinze ans, se livrait, dans cette solitaire habitation, aux goûts bizarres qu’il avait reçus de la nature ; et certes, ces goûts, que nous allons peindre, effrayeront sans doute nos lecteurs. Peu d’hommes avaient un