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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/162

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tu viens d’en voir la punition. Nous pouvons, d’ailleurs, faire tout ce qui nous plaît ; coucher ensemble, nous quereller, nous battre, nous porter aux derniers excès de l’ivrognerie et de la gourmandise, jurer, blasphêmer, mentir, calomnier, nous livrer au vol, et au meurtre même, si nous le voulons, tout cela ne sont que des misères pour lesquelles nous n’éprouvons aucuns reproches, et quelquefois même des éloges. Il y a six mois que la femme de quarante ans, dont l’extrême beauté t’a frappée, tua à coups de couteau une très-jolie fille de seize ans, dont elle était à-la-fois amoureuse et jalouse. Les moines s’amusèrent du délit ; et pendant plus d’un mois, cette impudente et belle créature ne parut aux soupers que couronnée de roses ; on la destine à remplacer Victorine un jour. C’est par le crime qu’on réussit ici ; lui seul plaît à ces bêtes farouches, lui seul nous fait respecter.

Victorine est la maîtresse de nous épargner Une infinité de désagrémens, soit en faisant de nous de bons rapports, soit en déguisant les mauvais : mais malheureusement cette protection ne s’achète que par des complaisances, souvent plus fâcheuses que les peines garanties par elle ; ce n’est qu’en satisfaisant