Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/25

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anité, Justine, ne sont le fruit que des sophismes du faible ; l’humanité bien entendue ne consiste pas à donner tous ses soins aux autres ; mais à se conserver, soi, à se délecter aux dépens de qui que ce puisse être. Ne confondons jamais la civilisation avec l’humanité ; celle-ci est fille de la nature, scrutons-là sans préjugés, nous ne nous tromperons jamais sur sa voix ; l’autre est l’ouvrage des hommes, et par conséquent de toutes les passions et de tous les intérêts réunis. Jamais la nature ne nous inspire que ce qui peut lui plaire ou lui être utile : toutes les fois qu’en éprouvant un de ses desirs nous nous sentons arrêtés par quelque chose, soyons bien sûrs que la barrière est élevée par la main des hommes. Pourquoi respecterions-nous ce frein ! Si nous nous dégradons jusques-là, n’en accusons que la crainte ou que notre faiblesse ; ne nous en prenons jamais à notre raison… tout se franchit quand on l’écoute. Serait-il donc vraisemblable que la nature pût établir à-la-fois dans nous et le desir d’une action quelconque, et la possibilité que cette action pût outrager celle qui nous en donne l’envie ! Rien d’aussi bizarre que mes goûts, tu le vois, Justine ; je n’aime point les femmes,