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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/29

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égal de filles, à-peu-près du même âge : on me les renouvelait tous les mois ; et je vous laisse à penser, mes amis, dans quels débordemens luxurieux je me plongeai. On ne se figure pas les recherches que je mis en usage… les férocités dont je les assaisonnais : mon aventure de Trente m’avait si fort apprivoisé avec les voluptés sanguinaires, que je ne pouvais plus m’en passer. Cruel par goût, par tempérament, par besoin, je ne pouvais me livrer à aucune volupté qui ne portât l’empreinte de la brutale passion qui me dévorait. Je ne faisais d’abord tomber mes atrocités que sur les femmes ; la faiblesse de ce sexe, sa douceur, son aménité, sa délicatesse me paraissaient autant de titres certains aux élans de ma barbarie ; je m’apperçus bientôt de mon erreur ; je sentis qu’il était infiniment plus voluptueux de moissonner les épis qui résistent, que l’herbe tendre se courbant sous la faulx, et que si cette réflexion ne m’était pas venue jusqu’alors, c’était plutôt par une fausse retenue, que par raffinement. J’essayai. Le premier bardache que j’assassinai, âgé de quinze ans, et beau comme l’amour, me procura de si violens plaisirs, que mes coups se dirigèrent à l’avenir bien plutôt dans cette