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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/73

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l’accompagne ? si elle vous éclaire douze heures, c’est pour vous plonger douze autres dans les ténèbres ; vous laisse-t-elle jouir des douceurs de l’été, ce n’est qu’en les accompagnant des horreurs de la foudre ; près de l’herbe la plus salutaire, sa main traîtresse fait germer les poisons ; elle hérisse le plus beau pays du monde de volcans qui le mettent en cendres ; se pare-t-elle un instant à vos yeux, c’est pour se couvrir de frimats l’autre partie de l’année ; nous donne-t-elle quelque vigueur pendant les premiers tems de notre vie, c’est pour nous accabler pendant la vieillesse et de tourmens et de douleurs ; vous laisse-t-elle un moment jouir du bizarre tableau de ce monde, c’est pour qu’en parcourant la funeste carrière qui le présente à vos yeux, vous soyez à chaque pas effrayé des affreux malheurs qui la couvrent. Voyez avec quel art méchant elle entremêle vos jours d’un peu de plaisir et de beaucoup de peines ; examinez de sang-froid, s’il vous est possible, les maladies dont elle vous accable, les divisions qu’elle fait naître parmi vous, les suites effroyables dont elle veut que vos plus douces passions soient entremêlées ; près de l’amour est la fureur ; près du courage, la férocité ; près de l’ambi-