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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/92

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imposèrent pas ; je les dévoilai toutes à Delmas. Te soupçonnant un violent parti parmi les matelots, nous préférâmes l’adresse à la force : le renégat me fit évader le soir, dans la chaloupe du vaisseau, seulement escortée de deux rameurs ; et, pour mieux découvrir tes projets, passa la nuit avec une des servantes de l’équipage, que tu as prise pour moi, et que tu as sans doute égorgée avec lui, puisque c’est toi qui commande ici : je devais, moi, fuir lestement vers un petit bâtiment que nous savions peu loin de nous, semblable à celui de Delmas, et monté par un renégat, comme lui… le voilà, tu viens de l’étendre à tes pieds. Ce capitaine, prévenu par la lettre que je lui portais, devait avoir l’air d’attaquer Delmas, de le vaincre, de te mettre aux fers. N’était-il pas tems que je me vengeasse de tes perfides complots ? Tu l’emportes, Jérôme ; voilà mon défenseur sans vie ; je te le répète, hâte-toi de prendre la mienne. Si le ciel me rendait l’avantage, sois sûr que tu ne m’échapperais pas ; tu es un ingrat, dès que tu as pu faire taire en toi l’organe sacré de la reconnaissance, et je ne veux plus être l’amie d’un monstre.

Ici la fureur se réunissant dans mon ame