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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/94

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terre au milieu de ma chambre, j’aimais à voir là celle qui venait de tout risquer pour moi, et qui, si elle se vengeait enfin, en avait, il faut en convenir, obtenu de bien puissans droits. Jamais encore une telle irritation ne s’était emparée de mes sens ; mon foutre échappait malgré moi. Je desirais une mort horrible à cette créature ; vingt projets s’offraient à mon esprit, qui les rejetait aussitôt, comme trop faibles ; je voulais réunir sur son individu toutes les douleurs de l’humanité, et nulle ne me paraissait assez forte dès que je la détaillais. O Jérôme ! s’écria-t-elle en revenant à la vie et devinant mes pensées, je pourrais vivre encore, et vivre pour t’aimer ; tu sais ce que j’ai fait pour toi ; qui de nous deux eut tort le premier ? Mais, loin de m’attendrir, la gueuse m’électrisait de plus en plus ; je la foulais aux pieds, je lui frappais le sein, je lui mordais les fesses ; je ressemblais au tigre, maître enfin de sa proie, et qui n’amuse sa fureur que pour l’irriter davantage ; j’étais ivre, en un mot, de luxure et de frénésie, lorsque mes gens vinrent m’avertir que le bâtiment que nous traînions gênait infiniment la manœuvre. Ce fut alors que je me déterminai enfin au singulier projet que vous allez voir.