Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tine, le pique, et bande la plaie après l’effusion de trois palettes de sang. Il avait à peine fini, que des cris se font entendre. Monsieur, monsieur, lui dit en accourant une des vieilles, venez au plus vite, madame se meurt, elle veut vous parler avant que de rendre l’ame ; et la messagère revole auprès de sa maîtresse.

Quelqu’accoutumé que l’on soit au forfait, il est rare que la nouvelle de son accomplissement n’effraie celui qui vient de le commettre. Cette terreur fait rentrer un instant la vertu dans des droits que lui ravit bientôt le crime. Gernande sort égaré, il oublie de fermer les portes. Justine profite de la circonstance ; quelqu’affaiblie qu’elle soit par une diette de près de quarante heures, et par une abondante saignée, elle s’élance hors de son cachot, traverse les cours, et la voilà dans le grand chemin, sans que qui que ce soit l’apperçoive… Marchons, se dit-elle, marchons avec courage : si le fort méprise le faible, il est un Dieu puissant qui protège celui-ci, et qui ne l’abandonne jamais[1].

Pleine de ces consolantes et chimériques

  1. Justine, si constamment abandonnée de ce Dieu, pouvait-elle raisonner ainsi ?