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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/79

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moi : le moyen de m’en débarrasser est facile. Le croirais-tu, Justine, ce sont mes débauches qui peuplent le Languedoc et la Provence, de la multitude d’objets de libertinage que renferme leur sein[1]. Une heure après que ces petites filles m’ont servi, des émissaires sûrs les embarquent, et les vendent aux appareilleuses de Nîmes, de Montpellier, de Toulouse, d’Aix et de Marseille, Ce commerce, sur lequel j’ai deux tiers de bénéfice, me dédommage amplement de ce que les sujets me coûtent, et je satisfais ainsi deux de mes plus chères passions… ma luxure et ma cupidité. Mais les découvertes, les séductions, me donnent de la peine. D’ailleurs, l’espèce de sujets importe infiniment à ma lubricité ; je veux qu’ils soient tous pris dans ces asyles de la misère, où le besoin de vivre et l’impossibilité d’y réussir, absorbant le courage, la

  1. Ceci n’est point une fable : ce personnage a existé dans Lyon ; ce que l’on dit ici de ses manœuvres est exact ; il a coûté l’honneur à plus de vingt mille petites filles. Son opération faite, on les embarquait sur le Rhône ; et les provinces dont il s’agit n’ont été peuplées, pendant trente ans, d’objets de débauches, que par les victimes de ce libertin.