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Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/196

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passion ayant échauffé des têtes si accoutumées aux désordres de cette espèce et en rappellant ce goût qu’ils encensaient si merveilleusement, on ne voulut pas attendre plus longtemps pour les mettre en usage, chacun réconciliait ce qu’il put et prit un peu partout. Le souper vint, on l’entremêla de presque toutes les infamies, qu’on venait d’entendre, le duc fit griser Thérèse127) et la fit vomir dans sa bouche, Durcet fit péter tout le sérail et en reçut plus de 60 dans la soirée ; pour Curval, à qui toute sorte d’extravagance passait par la tête, il dit qu’il voulait faire ses orgies seul et fut s’enfermer dans le boudoir du fond avec Fanchon, Marie, la Desgranges, et trente128) bouteilles de vin de Champagne, on fut obligé de les emporter tous quatre, on les trouva nageant dans les flots de leurs ordures et le président endormi, la bouche collée sur celle de la Desgranges qui y vomissait encore. Les trois autres dans des genres ou semblables ou différents en avaient fait pour le moins autant,129) ils avaient également passé leurs orgies à boire, ils avaient fait soûler leurs bardaches, ils les avaient fait vomir, ils avaient fait péter les petites filles, ils avaient fait je ne sais quoi, et sans la Duclos, qui avait conservé sa raison, qui mit ordre à tout, et qui les fit130) coucher, il est plus que vraisemblable que l’aurore aux doigts des roses, en entr’ouvrant la porte du palais d’Apollon les eût trouvés plongés dans leurs ordures bien plutôt comme des porceaux, que comme des hommes. N’ayant besoin que de repos chacun couche seul et fut reprendre dans le sein de Morphée un peu de force pour le lendemain.