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Page:Sade - Les 120 journées de Sodome (édition numérique).djvu/251

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me rencogne, je m’accroupis, je ne me fais pas plus grosse qu’une souris : cet air de frayeur et d’avilissement détermine à la fin son foutre, et le paillard le darde sur mon sein en hurlant de plaisir. »

« Quoi ! sans te donner un seul coup de verges ? dit le duc. — Sans les baisser même sur moi, répondit Duclos. — Voilà un homme bien patient, dit Curval ; mes amis, convenez que nous ne le sommes pas tout à fait autant, quand nous avons en main l’instrument dont parle la Duclos. — Un peu de patience, messieurs, dit Champville, je vous en ferai bientôt voir du même genre, et qui ne seront pas aussi patients que le président dont vous parle ici Mme Duclos. » Et celle-ci, voyant que le silence que l’on observait lui laissait la facilité de reprendre son récit, y procéda de la manière suivante :

« Peu de temps après cette aventure, je fus chez le marquis de Saint-Giraud, dont la fantaisie était de placer une femme nue dans une escarpolette, et de la faire enlever ainsi à une très grande hauteur. À chaque secousse, on lui passe devant le nez ; il vous attend, et il faut, à ce moment-là, ou faire un pet, ou recevoir une claque sur le cul. Je le satisfis de mon mieux ; j’eus quelques claques, mais je lui fis force pets. Et le paillard, ayant enfin déchargé au bout d’une heure de cette ennuyeuse et fatigante cérémonie, l’escarpolette s’arrêta, et j’eus mon audience de congé.

« Environ trois ans après que je fus maîtresse de la maison de la Fournier, il vint un homme chez moi me faire une singulière proposition : il s’agissait de trouver des libertins qui s’amusassent avec sa femme et sa fille, aux seules conditions de le cacher dans un coin pour voir tout ce qu’on leur ferait. Il me les livrerait, disait-il, et non seulement l’argent que je gagnerais avec elles serait pour moi, mais il me donnerait encore deux louis par partie que je leur ferais faire. Il ne s’agissait plus que d’une chose : c’est qu’il ne voulait, pour sa femme, que des hommes d’un certain goût, et pour sa fille des hommes d’une autre espèce de fantaisie : pour sa femme, il fallait des hommes qui lui chiassent sur les tétons, et pour sa fille, il en fallait qui, en la troussant, exposassent bien son derrière en face du trou où il observerait, afin qu’il pût le contempler à son aise, et qui ensuite lui déchargeassent dans la bouche ; pour toute autre passion que ces deux-là, il ne livrait point sa marchandise. Après avoir fait promettre à cet homme qu’il répondait de tout événement au cas que sa femme et sa fille vinssent à se plaindre d’être venues chez moi, j’acceptai tout ce qu’il voulut, et lui promis que les personnes qu’il m’amènerait seraient fournies ainsi qu’il l’entendait. Dès le lendemain, il m’amena sa marchandise : l’épouse était une femme de trente-six ans, peu jolie, mais grande et bien faite, un grand air de douceur et de modestie ; la demoiselle avait quinze ans, elle était blonde, un peu grasse, et de la physionomie du monde la plus tendre et la plus agréable. “En vérité, monsieur, dit l’épouse, vous nous faites faire là des choses… — J’en suis mortifié, dit le paillard, mais il faut que cela soit ainsi ; croyez-moi, prenez