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Page:Sade - Les 120 journées de Sodome (édition numérique).djvu/26

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comprises ; savoir : quatre de cette classe, huit jeunes filles, huit jeunes garçons, huit hommes doués de membres monstrueux pour les voluptés de la sodomie passive, et quatre servantes. Mais on voulut de la recherche à tout cela ; un an entier se passa à ces détails, on y dépensa un argent immense, et voici les précautions que l’on employa pour les huit jeunes filles afin d’avoir tout ce que la France pouvait offrir de plus délicieux. Seize maquerelles intelligentes, ayant chacune deux secondes avec elles, furent envoyées dans les seize principales provinces de France, pendant qu’une dix-septième travaillait dans le même genre à Paris seulement. Chacune de ces appareilleuses eut un rendez-vous indiqué à une terre du duc auprès de Paris, et toutes devaient s’y rendre dans la même semaine, à dix mois juste de leur départ : on leur donna ce temps-là pour chercher. Chacune devait amener neuf sujets, ce qui faisait un total de cent quarante-quatre filles, et sur ce nombre de cent quarante-quatre, huit seulement devaient être choisies. Il était recommandé aux maquerelles de ne s’attacher qu’à la naissance, la vertu et la plus délicieuse figure. Elles devaient faire leurs recherches principalement dans des maisons honnêtes, et on ne leur passait aucune fille qui ne fût prouvée ravie, ou dans un couvent de pensionnaires de qualité, ou dans le sein de sa famille, et d’une famille de distinction. Tout ce qui n’était pas au-dessus de la classe de la bourgeoisie et qui, dans ces classes supérieures, n’était pas et très vertueuse, très vierge et très parfaitement belle, était refusé sans miséricorde. Des espions surveillaient les démarches de ces femmes et informaient à l’instant la société de ce qu’elles faisaient. Le sujet, trouvé comme on le désirait, leur était payé trente mille francs, tous frais faits. Il est inouï ce que ça coûta. À l’égard de l’âge, il était fixé de douze à quinze, et tout ce qui était au-dessus ou au-dessous était impitoyablement refusé. Pendant ce temps-là, avec les mêmes circonstances, les mêmes moyens et les mêmes dépenses, en mettant de même l’âge de douze à quinze, dix-sept agents de sodomie parcouraient de même et la capitale et les provinces ; et leur rendez-vous était indiqué un mois après le choix des filles. Quant aux jeunes gens que nous désignerons dorénavant sous le nom de fouteurs, ce fut la mesure du membre qui régla seule : on ne voulut rien au-dessous de dix pouces ou douze pouces de long sur sept et demi de tour. Huit hommes travaillèrent à ce dessein dans tout le royaume, et le rendez-vous fut indiqué un mois après celui des jeunes garçons. Quoique l’histoire de ces choix et de ces réceptions ne soit pas de notre objet, il n’est pourtant pas hors de propos d’en dire un mot ici, pour mieux faire connaître encore le génie de nos quatre héros. Il me semble que extraordinaire que celle que nous allons décrire ne peut pas être regardé comme hors-d’œuvre.

L’époque du rendez-vous des jeunes filles étant arrivée, on se rendit à la terre du duc. Quelques maquerelles n’ayant pu remplir leur nombre de neuf, quelques autres ayant perdu des sujets en chemin, soit par la maladie ou par l’évasion, il n’en arriva que cent trente au rendez-vous. Mais que