Aller au contenu

Page:Sade - Les 120 journées de Sodome (édition numérique).djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— Page 69 —

godemiché sur lequel elles pouvaient toujours exercer leur poignet pour l’entretenir dans la sorte d’agilité nécessaire. On chargea Hercule du même emploi chez les garçons, qui toujours bien plus adroits dans cet art-là que les filles, parce qu’il ne s’agit que de faire aux autres ce qu’ils se font à eux-mêmes, n’eurent besoin que d’une semaine pour devenir les plus délicieux branleurs qu’il fût possible de rencontrer. Parmi eux, ce matin-là, il ne se trouva personne en faute, et l’exemple de Narcisse la veille ayant fait refuser presque toutes les permissions, il ne se trouva à la chapelle que Duclos, deux fouteurs, Julie, Thérèse, Cupidon et Zelmire. Curval banda beaucoup ; il s’était étonnamment échauffé le matin avec Adonis, à la visite des garçons, et l’on crut qu’il allait perdre, en voyant opérer Thérèse et les deux fouteurs, mais il se contint. Le dîner fut à l’ordinaire, mais le cher président, ayant singulièrement bu et paillardé pendant le repas, se renflamma de nouveau au café, servi par Augustine et Michette, Zélamir et Cupidon, dirigés par la vieille Fanchon, à qui par singularité on avait commandé d’être nue comme les enfants. De ce contraste naquit la nouvelle fureur lubrique de Curval, et il se livra à quelques égarements de choix avec la vieille et Zélamir, qui lui valut enfin la perte de son foutre. Le duc, le vit en l’air, serrait Augustine de bien près ; il braillait, il jurait, il déraisonnait, et la pauvre petite, toute tremblante, se reculait toujours, comme la colombe devant l’oiseau de proie qui la guette et qui est près d’en faire sa capture. Il se contenta pourtant de quelques baisers libertins et de lui donner une première leçon, acompte de celle qu’elle devait commencer à prendre le lendemain. Et les deux autres, moins animés, ayant déjà commencé leurs méridiennes, nos deux champions les imitèrent, et on ne se réveilla qu’à six heures, pour passer au salon d’histoire. Tous les quadrilles de la veille étaient variés, tant pour les sujets que pour les habillements, et nos amis avaient pour compagnes sur les canapés, le duc : Aline, fille de l’évêque et par conséquent au moins nièce du duc, l’évêque : sa belle-sœur Constance, femme du duc et fille de Durcet ; Durcet : Julie, fille du duc et femme du président ; et Curval, pour se réveiller et se ranimer un peu : sa fille Adélaïde, femme de Durcet, l’une des créatures du monde qu’il avait le plus de plaisir à taquiner à cause de sa vertu et de sa dévotion. Il débuta avec elle par quelques mauvaises plaisanteries et, lui ayant ordonné de prendre pendant toute la séance une posture très analogue à ses goûts, mais très gênante pour cette pauvre petite femme, il la menaça de tous les effets de sa colère si elle s’en dérangeait un seul instant. Tout étant prêt, Duclos monta sur sa tribune et reprit ainsi le fil de sa narration :

« Il y avait trois jours que ma mère n’avait paru à la maison, lorsque son mari, inquiet bien plutôt de ses effets et de son argent que de la créature, s’avisa d’entrer dans sa chambre, où ils avaient coutume de serrer ce qu’ils avaient de plus précieux. Mais quel fut son étonnement lorsqu’au lieu de ce qu’il cherchait, il ne trouva qu’un billet de ma mère qui lui disait de prendre