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Page:Sade - Les crimes de l'amour, Nouvelles héroïques et tragiques, tome 3, 1799.djvu/216

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dans l’infortune ? ton innocence égale-t-elle la mienne ?… et n’as-tu pas trempée dans tout ceci ?… Ô juste ciel ! quels odieux soupçons ! je suis plus oppressé d’avoir pu les former un instant, que je ne suis anéanti de tous mes autres maux… Ernestine coupable… Ernestine avoir trahi son amant !… jamais la fraude et l’imposture naquirent-elles au fond de cette âme sensible ?… et ce tendre baiser que je savoure encore… ce seul et doux baiser que j’ai reçu d’elle, peut-il avoir été cueilli sur une bouche qu’aurait avili le mensonge ?… Non, non chère âme, non… on nous trompe tous deux… comme ils vont profiter de ma situation, ces monstres, pour me dégrader dans ton esprit… Ange du ciel ne te laisse pas séduire à l’artifice des hommes, et que ton âme aussi pure que le dieu dont elle émane, soit à l’abri comme son modèle, des iniquités de la terre.

Une douleur muette et sombre s’empare de ce malheureux ; à mesure qu’il se pénètre de l’horreur de son sort, le