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Page:Sade - Les crimes de l'amour, Nouvelles héroïques et tragiques, tome 3, 1799.djvu/50

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d’aucun citoyen ; tous les plaisirs vont vous environner, vous n’aurez d’autre étude que leur choix, et c’est pour les chagrins du sceptre que vous renoncez à tant d’attraits ? Au milieu des soucis de l’administration, s’offrira-t-il une heure à vos amusemens ? et naissons-nous pour d’autres soins que pour ceux du plaisir ? Ah ! crois moi cher Antonio, la pourpre est loin des charmes qu’on lui suppose ; veut-on conserver son éclat, on perd en soucis fâcheux les plus beaux instans de sa vie ; néglige-t-on de le rehausser, nos envieux le flétrissent bientôt ; leurs mains nous arrachent un sceptre que les nôtres ne peuvent plus soutenir ; ainsi toujours entre l’ennui de régner, et la crainte de n’en être pas dignes, nous arrivons au bord du tombeau, sans avoir connu de jouissances ; une nuit obscure nous enveloppe alors comme le dernier de nos sujets, et nous avons follement sacrifié pour y survivre, ce qui sans réussir, nous y plonge avec le remords déchirant d’avoir tout perdu pour des illusions.