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Page:Saint-Point - L’Orbe pâle, 1911.djvu/112

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DANS mon désert, un journal est arrivé jusqu’à moi. Un geste, un de ces gestes que ne guide pas la pensée, me l’a fait ouvrir. J’ai regardé toutes les pages, j’ai regardé dans tous les compartiments réservés à chaque tranche de vie. L’art, la politique, la science débités en quelques lignes, les noms connus et inconnus, rien n’a pu accrocher mon attention.

Je suis aussi étrangère à cette agitation lointaine, qu’à celle de la fourmillière de mon jardin, sur laquelle je marche chaque jour.

Tout cela se passe si loin, dans un monde si maussade ! Et je n’ai jamais pu regarder un écureuil tourner dans la roue d’illusions de sa cage. Que m’importe !

Ma pensée, toute, m’habite, je suis moi-même dans mon royaume, et tout m’est indifférent, hors les arabesques, que trace mon rêve sur la mer changeante et le sable mouvant, sous la lune qui quitte la nuit.