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Page:Saint-Point - L’Orbe pâle, 1911.djvu/54

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SUR trois galets, les plus gros et les plus blancs de la plage, j’ai tracé avec un débris de bois brûlé — par quels hommes ? de quel pays ? — apporté par la mer, trois sombres effigies hiératiques et sereines.

C’est la déesse obscure et silencieuse et énigmatique de mon foyer lointain ; c’est le magique et mystérieux fétiche qui ne m’a pas encore donné la part de bonheur qu’il détient, selon la croyance et l’affirmation des siècles. C’est ma chatte, ma chatte noire, la souple, la violente, qui mélancoliquement défend le foyer déserté, lui garde une âme. La lumière de ses grands yeux clairs y veille comme la lampe veille pour le Dieu, dans le temple désert.

Au foyer, elle attend, et elle ignore ce qu’elle attend, dans les jours et les nuits qui n’aveuglent pas ses vigilantes prunelles.

Sur les trois plus gros et plus blancs galets de la plage, avec un bois brûlé — par quelles mains dans quelle contrée, pour quelle