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Page:Saint-Point - L’Orbe pâle, 1911.djvu/99

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L’AUTRE jour, parce que ma force l’avait étonné, le pêcheur m’avait donné son admiration.

Ce matin, j’ai sauté de sa barque, plus au loin de la côte, tout à fait au large, j’ai doublé la distance, j’ai nagé plus longtemps, toute vibrante de sentir sous moi l’abîme où grouille les innombrables vies mystérieuses.

Alors, quand le pêcheur dans sa barque et moi à la nage, nous avons abordé le rivage, le pêcheur muet a pris tous les poissons qu’il volait à la mer depuis l’aube. Et sur le sable, à mes pieds, il les a jetés. Puis il est parti.

Mais ce soir, encore avec lui, je me suis embarquée pour le large, et tandis qu’allongé au fond de sa barque il me regardait, j’ai conduit sans fatigue le bateau. Plusieurs fois, il a voulu prendre ma place, mais j’ai refusé. Je ne voulais pas voir ce soir le fond de la mer de peur d’y découvrir le fond de mon âme et peut-être une étoile de sang. J’ai ramé tout