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Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/118

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passe plus d’une fois en Angleterre, ou, mieux, on ne cesse pas de l’embrasser d’un même regard parallèlement avec la France, et de suivre l’histoire de la littérature et de l’éloquence anglaise durant tout le siècle, depuis Bolingbroke jusqu’à M. Pitt. La connaissance approfondie que l’auteur a de l’antiquité amène à propos des rapprochements, des citations heureuses, toutes neuves à force d’être antiques, et pleines de fraîcheur. Avec Pope, on est reporté à Homère ; La Chaussée, avec son drame, est une occasion d’évoquer Ménandre. M. Villemain excelle à ces traductions qui rendent si bien le génie d’une langue, sans offenser jamais celui d’une autre. En n’évitant aucune des faces importantes de son sujet, l’auteur réussit particulièrement dans les endroits qui demandent un sentiment littéraire exquis. Il est unique à démêler et à démontrer les originalités voilées qui se combinent avec une part d’imitation et s’y confondent, l’originalité de Pope, par exemple. Les portraits modérés, tels que ceux de Gresset, de Daguesseau, de Vauvenargues, sont touchés avec une grâce parfaite, et comme enlevés avec légèreté.

Le tableau de l’Éloquence chrétienne et de l’Église durant les premiers siècles nous transporte dans un monde bien différent. Les enseignements directs, toutefois, et les rapprochements avec nous-mêmes n’y manquent pas ; ils ressortent presque à chaque page, et nous pouvons y apercevoir, sous un costume et un langage qui le déguisent à peine, notre même mal social, notre maladie morale, sinon notre remède. Ce volume des Pères a été pour l’auteur une étude de prédilection depuis plusieurs années, et comme une retraite à demi littéraire et à demi religieuse. Bien jeune, et brillant de tous les succès, il avait abordé ce sujet sévère par une sorte de caprice de goût, pour en extraire la fleur et