Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Villemain appartient à notre temps par un certain souci et une certaine curiosité d’expression qui y met le cachet ; c’est un style, après tout, individuel, et qui ressemble à l’homme. Le style de M. Cousin, au premier abord, paraît échapper à la loi commune ; on dirait vraiment que c’est un personnage du xviie siècle qui écrit. Il entre dans son sujet de haute-lice ; il a l’élévation de ton aisée, naturelle, l’ampleur du tour, la propriété lumineuse et simple de l’expression. Pourtant certain air de gloire répandu dans l’ensemble trahit à mes yeux le goût de Louis XIII jusqu’en plein goût de Louis XIV. Son style aussi est moins individuel que l’autre, et serre de moins près les replis de la pensée ; c’est un style qui honore ce temps-ci bien plus encore qu’il ne le caractérise. Je ne veux pas prolonger outre mesure un parallèle qui peut se résumer d’un mot : M. Villemain a des teintes plus fines, M. Cousin a la touche plus large. Seulement si quelqu’un, frappé chez celui-ci de tant de grandes parties qui enlèvent, était tenté, entre les deux, de le préférer comme écrivain et de le lui dire, nous sommes bien sûr que lui-même serait le premier à renvoyer l’admirateur au style de l’autre, en disant : « Regardez bien, vous n’y avez pas tout vu. »