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Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/234

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presque en vertu des mêmes idées et des mêmes intérêts. Une telle confusion semblait des plus fâcheuses à l’abbé Lacordaire ; elle lui paraissait une diminution et une dégradation du Christianisme, et il crut qu’il était bon de montrer enfin à la France qu’on pouvait être fidèle à Jésus-Christ sans être inféodé au trône déchu, ce trône fût-il celui des descendants de saint Louis. On peut dire qu’à la résumer dans cette idée, l’œuvre entreprise en 1831 par M. de Lamennais et ses disciples d’alors, même en étant sitôt interrompue, n’a pas totalement échoué, et qu’en effet, dès lors, la jeunesse a pu se convaincre que l’adhésion à un symbole religieux n’entraînait pas nécessairement l’adhésion à une forme politique. Il n’y a jamais eu, en un mot, de catholiques évidemment moins légitimistes que M. de Montalembert et l’abbé Lacordaire.

Dans le procès de l’école libre devant la Chambre des pairs (septembre 1831), l’abbé Lacordaire prit la parole. Il était l’un des trois accusés qui avaient essayé d’anticiper sur les promesses de la Charte de 1830, et qui avaient ouvert une école à leurs risques et périls, sans se soumettre aux décrets universitaires en vigueur. M. le procureur-général Persil soutint l’accusation ; ce fut l’abbé Lacordaire qui lui répliqua par une discussion nerveuse, tout improvisée, dans laquelle se retrouvait l’avocat, mais l’avocat déjà armé du glaive du lévite.

Quand la publication de l’Avenir, empreinte de talent et de générosité, mais si mêlée d’imprudences et de hasards, eut provoqué, de la part du Saint-Siège, un jugement de désapprobation, tous les rédacteurs se soumirent dans le premier instant ; mais, tandis que le maître indigné se soumettait en frémissant, d’une soumission impatiente et qui ne devait pas durer, M. Lacordaire se résignait simplement et sincèrement, décidé jusqu’au bout à obéir.