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Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/242

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Dominique, qui serait à discuter historiquement, mais où respire et reluit l’intelligence vive du moyen-âge. Dans l’intervalle, il était allé prêcher à Metz, cité guerrière et patriotique, et y avait enflammé l’enthousiasme de la jeunesse militaire. Il reparut dans la chaire de Notre-Dame le 14 février 1841, et y retrouva les mêmes sympathies, accrues de ce qu’y ajoutait une curiosité nouvelle. Je ne sais si sa tentative d’Ordre réussira ; mais du moins, on put s’en apercevoir dès le premier jour, sa robe blanche de dominicain ne lui nuisait pas. Évidemment sa personne, son talent, l’intérêt qui s’y attachait, n’avaient rien perdu, et l’on était plutôt disposé à lui passer désormais quelque chose d’extraordinaire.

Ce n’est point sa vie que je retrace, et je m’en tiens aux applications de son éloquence. J’en ai signalé quelques défauts ; je voudrais maintenant la saisir dans un des morceaux où elle me paraît le plus irréprochable, tout à fait simple, touchante et neuve à la fois ; je voudrais pouvoir dire sans réserve : C’est beau ! L’Oraison funèbre du général Drouot, prononcée dans la cathédrale de Nancy le 25 mai 1847, me donne cette joie. Cette Oraison funèbre me paraît un chef-d’œuvre dans l’ordre des productions modernes. Elle peut se lire après l’Oraison funèbre de Condé et après celle de Turenne ; et si Bossuet, comme on peut croire, reste incomparable et grand de toute sa hauteur, combien l’œuvre de l’abbé Lacordaire nous paraît aujourd’hui préférable par certains côtés à celle de Fléchier ! M. Lacordaire a eu jusqu’ici à prononcer trois Oraisons funèbres, celle d’O’Connell, celle de l’évêque de Nancy, Forbin-Janson, et celle enfin du général Drouot ; je les range non par ordre de dates, mais selon le mérite. La première, celle d’O’Connell, me plaît peu ; elle n’est pas exempte de la déclamation propre à ce temps-ci. Chaque siècle a ses idolâ-