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Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/277

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du courant ; pensant bien que ce devait être un ruisseau qui allait au Dniéper. On suivit le ruisseau ; on arriva à un village abandonné. Un paysan boiteux, qui était en retard de fuir, fut pris pour guide. De grands feux allumés firent croire à l’ennemi qu’on allait camper en ce lieu. Pendant qu’on s’occupait à trouver un point où le Dniéper serait assez gelé pour donner passage, dans ce court intervalle de temps « le maréchal Ney seul, oubliant à la fois les dangers du jour et ceux du lendemain, dormait d’un profond sommeil. »

Vers le milieu de la nuit, le Dniéper est franchi, mais seulement par les fantassins ; à peine quelques chevaux ont pu passer sur la glace trop peu solide. Il a fallu abandonner à l’ennemi l’artillerie, le bagage, et (triste nécessité de la guerre !) les blessés. Une partie du plan a réussi. On est sur l’autre rive, mais dans un pays inconnu ; et l’on a encore plus de quinze lieues à faire pour arriver à Orcha, où l’on espère rejoindre l’armée française. On n’est pas au bout de cette marche toute de péril et d’aventure ; on n’a échappé à un danger que pour tomber dans un autre. Le corps principal des Cosaques, commandé par Platow en personne, se rencontre à l’improviste ; il compte avoir bon marché d’une poignée de fantassins harassés, sans cavalerie ni artillerie. Les moindres incidents de cette seconde moitié de la marche sont à suivre dans le récit de M. de Fezensac. À un moment, les restes de son régiment, à l’arrière-garde de Ney, se trouvent coupés et perdus de nuit dans un bois de sapins. Il se trouve ainsi, par rapport à Ney, dans le même isolement où ils sont tous par rapport à l’armée elle-même.

« Nous avions parcouru le bois dans des directions si diverses, que nous ne pouvions plus reconnaître notre chemin ; les feux que