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Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/282

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faim, la fatigue excessive, accablent nos jeunes soldats. Misérables ! on les voit étendus sur la neige, inhumainement délaissés. Des feux allumés sur la glace éclairent leurs derniers moments. La terre est leur lit redoutable. » Là aussi, pour consoler des scènes contristantes, on vit chez quelques-uns le courage et l’honneur briller d’un plus vif éclat au plus fort de la détresse ; on vit de ces jeunes officiers humains, généreux, compatissants autant que braves, et à la fois dignes de l’éloge qui a été accordé à l’un d’eux, à ce jeune Hippolyte de Seytres, dont une amitié éloquente a consacré le nom : « Modéré jusque dans la guerre, ton esprit ne perdit jamais sa douceur et son agrément ! » De semblables souvenirs peuvent naturellement se rappeler au sujet de l’auteur de la narration présente : il est de ceux qu’un Xénophon lui-même n’aurait pas désavoués pour le ton, et il se souvient de Virgile. Xavier de Maistre, j’imagine, en présence de semblables scènes, ne les aurait pas senties autrement. Quant à ce qui est des services réels en cette campagne, le maréchal Ney écrivait de Berlin, le 23 janvier 1813, au ministre de la guerre, beau-père de M. de Fezensac : « Ce jeune homme s’est trouvé dans des circonstances fort critiques, et s’y est toujours montré supérieur. Je vous le donne pour un véritable chevalier français, et vous pouvez désormais le regarder comme un vieux colonel. » L’héroïque figure de Ney n’a cessé de remplir et de dominer la relation qu’on vient de parcourir ; c’est par une telle parole de lui qu’il y avait convenance et gloire, en effet, à la couronner.