Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/395

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment élevé de la poésie. Il laissa voir ce défaut quand il eut à parler des Martyrs de M. de Chateaubriand, du Shakspeare de M. Guizot, et des premières odes de M. Victor Hugo. On trouverait pourtant de justes remarques de lui dans ce qu’il dit des romans de Walter Scott, pour lesquels on était alors fort monté sans vouloir entendre, aucune restriction. Il analyse et démêle très-bien les vraies causes de l’intérêt qu’ils excitent ; il montre à quoi se réduit cette prétendue fidélité historique dont on parlait tant. La partie positive chez Hoffman mérite toujours d’être lue. Il était l’ennemi des engouements et de tous les charlatanismes, ce qui est un caractère véritable et un signe du critique.

Sa vie, vers la fin, était celle d’un original et d’un sage qui veut pourvoir, avant tout, à son indépendance. Il se défendait des dîners où il aurait pu rencontrer un seul auteur de ses justiciables. Il prenait son rôle de critique très au sérieux, craignant les visites, se refusant à l’honneur d’appartenir aux Académies ; il s’en exagérait les charges, qui peut-être alors étaient plus pesantes, en effet, qu’aujourd’hui. Placé entre une convenance et une vérité, il eût craint également de manquer à l’une ou à l’autre. C’est ainsi qu’il vieillissait dans sa retraite de Passy, solitaire, au milieu de ses livres, ne causant guère avec les vivants que plume en main, critique intègre, instruit, digne d’estime, même quand il s’est trompé.

M. de Feletz, qui appréciait si bien Hoffman, avait des qualités par lesquelles il se rapprochait de lui, et d’autres par lesquelles il était bien lui-même. Homme du monde, du commerce le plus aimable et le plus sûr, il ne considéra jamais la société comme un obstacle à son genre d’esprit et de travail : il y aurait vu plutôt une inspiration. Quand j’ai dit travail, j’ai employé un