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Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/96

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à insister. Le 22 juin 1848, il débuta devant l’Assemblée nationale en venant parler sur la propriété (à propos d’un projet de décret sur la reprise de possession des chemins de fer par l’État) ; il exprima des considérations justes, élevées, opportunes, dans un loyal et courageux langage. En présence d’une Assemblée si nouvelle et au sortir de cette atmosphère de faveur où son éloquence avait été nourrie sans s’y amollir, il eut un léger apprentissage à faire ; il le fit en un instant. Ce n’est qu’à titre de reconnaissance qu’il a lieu maintenant de regretter la Chambre des pairs ; mais ces assemblées nouvelles, si diversement composées et si orageuses, lui vont à merveille ; il ne craint pas les interruptions, il les aime ; il y trouve grand honneur, dit-il, et grand plaisir. Sa faculté ironique et poliment hautaine qui, à certains jours pourtant, excédait un peu le ton de la noble Chambre et pouvait sembler disproportionnée, trouve ici des objets très-convenables, et il n’en laisse, à la rencontre, échapper aucun ; il joint aux autres qualités de l’orateur celle de la riposte et de l’à-propos. Faisant allusion aux fautes qui s’étaient commises et dont personne ne pouvait se croire exempt, il disait un jour à quelqu’un qui le complimentait, et tout en déclinant l’éloge : « Nous ne sommes plus qu’une réunion d’humbles pénitents. » Mais les pénitents comme M. de Montalembert se relèvent vite, et je ne conseillerais pas aux adversaires de s’y trop fier. Qu’on se rappelle ce spirituel discours (12 janvier 1849) dans lequel il conviait l’Assemblée nationale de consentir à se dissoudre, et où il la suppliait sur tous les tons, avec un respect tempéré de sarcasme. Les interrupteurs évidemment n’ont rien à gagner avec lui.

Dans son discours sur l’inamovibilité de la magistrature (10 avril 1849), nous trouvons M. de Montalembert