Page:Sainte-Beuve - Chateaubriand et son groupe littéraire sous l’Empire, tome 1.djvu/5

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corps du délit. Cela me fut impossible : j’allai chez M. Taschereau, mon ami de vingt ans, et qui publiait ces fameuses Listes dans sa Revue rétrospective ; il m’assura n’avoir point vu la pièce où mon nom était porté ; je vis M. Landrin, procureur de la République ; je vis M. Carnot ; je fis même questionner à Londres les anciens ministres, dont j’avais l’honneur d’être particulièrement connu. Rien ; je ne pus obtenir aucun éclaircissement ; personne ne savait de quoi on voulait parier. Je me lassai, et, tout en y songeant toujours, je ne m’en occupai plus.

J’oubliais de dire qu’en même temps que j’écrivais à la date du 30 mars 1848, jour de mon entretien avec M. Reynaud, et au sortir de son cabinet, la lettre insérée d’abord au Journal des Débats, puis au Moniteur, j’adressais à MM. Reynaud et Carnot ma démission de la place de Conservateur à la Mazarine. Je ne voulais pas m’exposer, avec d’autres qui eussent été moins bienveillants et dont j’eusse été moins sûr, à de pareils interrogatoires, à des explications semblables.

J’irai au fond. Il y avait là, au ministère de t’Instruction publique, un homme tout nouvellement produit au pouvoir, et qui m’honorait d’une inimitié déjà ancienne. Je n’ai jamais rencontré une seule fois dans ma vie M. Génin, et je n’ai pas vu son visage ; mais le fait est qu’il m’a toujours détesté, souvent raillé de sa plume, et ridiculisé dans ses articles de critique tant qu’il a pu. Je n’agréais point à cet écrivain, que tous ses amis ont appelé un homme de tant d’esprit ; je lui paraissais précieux et maniéré, et à moi, il ne me paraissait peut-être ni aussi fin, ni aussi léger, ni aussi neuf qu’il le semblait à d’autres. Esprit discuteur et proprement acerbe, il avait besoin de