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Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/236

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POÉSIES

Promenade ou visite, ou qu’on doit recevoir
Un convive au logis ; — debout à son miroir,
Et contemplant longtemps, d’une prunelle avide,
Dans les plaines du ciel l’espace le plus vide ;
— Sa robe, tout d’un flot, tombant jusqu’à ses pieds ; —
Levant vers ses cheveux à peine dépliés
Un bras voluptueux qui s’y pose et s’oublie,
Passant vingt fois l’eau pure à sa joue embellie
(Tant son soin est ailleurs !), — ou par soudains ébats,
Et d’un air de chercher, parcourant à grands pas
Ses chambres, et rangeant à des places meilleures
D’indifférents objets durant de vagues heures ;…
— Ainsi le jour s’écoule, et l’on vient ; il est tard,
Et la voilà surprise. — Oh ! dites, quel brouillard,
Par un ciel si charmant, cache donc la vallée ?
Quel souffle éclaircira l’onde aux saules mêlée ?

Tantôt, dès le matin, au sortir des rideaux,
Vigilante, empressée, à des atours nouveaux
D’abord elle s’essaye, et ce sont des parures
Plein les tiroirs ouverts, et des choix de ceintures,
Dentelles, bracelets et ferronnière d’or.
Sous ses mains assemblés, ses cheveux, noir trésor,
Qu’en arrière abondants un peigne altier redresse,
Au devant, par anneaux crépés ou qu’elle tresse,
S’épandent, ou s’en vont, simples bandeaux unis ;
Puis, la robe s’attache, et les choix sont finis ;
Et, comme pour l’éclat de toute une soirée,
On la voit, dès midi, radieuse et parée.
Qu’a-t-elle ? quels projets sont les siens ? et pour qui ?
— Est-ce un ciel de printemps ? le soleil a-t-il lui ?
Je ne sais, et peut-être elle-même l’ignore.
— Viendra-t-il compagnie ? Elle ne sait encore
Et ne s’en inquiète. — Oh ! d’autres chers désirs,