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Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/44

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POÉSIES


Mais, si tes yeux d’en haut s’abaissaient sur ma tête,
À ton regard serein céderait la tempête,
Et je verrais le ciel s’ouvrir ;
Les vents m’apporteraient une fraîcheur nouvelle,
Et la vague apaisée, autour de ma nacelle,
En la berçant viendrait mourir.

Moi, le front appuyé sur la rame immobile,
J’aimerais savourer la volupté tranquille
D’un éternel balancement ;
Ou j’aimerais, la tête en arrière étendue,
L’œil entr’ouvert, mêler mon âme répandue
Aux flots d’azur du firmament.

Et puis, je chanterais le Loisir et ses charmes,
Ses souris nonchalants, la douceur de ses larmes,
Larmes sans cause et sans douleurs ;
Ses accents qu’accompagne une lyre d’ivoire ;
Sur son front, le plaisir couronné par la gloire,
Et le laurier parmi des fleurs.

Mais le Loisir a fui, tandis que je l’appelle,
Comme au cri du chasseur l’alouette rebelle,
Comme une onde qu’on veut saisir ;
Le Temps s’est réveillé ; ma tâche recommence :
Adieu besoins du cœur, solitude, silence,
Adieu Loisir, adieu Loisir !