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Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/49

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DE JOSEPH DELORME

Charles, sans espérer là-haut un meilleur monde,
Gravissait, pour mourir, un roc que l’air et l’onde
Minent de leurs combats.

Sous mille traits charmants il s’était peint la vie
Aux jours où la jeunesse en songes est ravie ;
Mais ces jours sont passés ;
Mais il comprend enfin, il raille sa chimère.
Et, prêt à la briser, il tient la coupe amère.
En disant : C’est assez.

Sa main, du bien, du mal, n’a point pesé la somme :
L’œil bon de l’Éternel, veillant d’en haut sur l’homme
Comme sur un enfant,
N’est pour lui qu’un œil morne, une éteinte prunelle
Où jamais n’a brillé de l’âme paternelle
Un rayon échauffant.

Il n’a point de son être entendu le mystère ;
Et dès lors en son cœur une voix solitaire,
Implacable remords.
Sphinx caché qui punit une erreur comme un crime,
Pour un sens mal compris le condamne à l’abîme
Et le pousse à la mort.

Il y va ; mais, du roc près d’atteindre la crête,
Il se tourne pour voir, monte encor, puis s’arrête,
Jette encore un regard :
En ces lieux tant maudits un charme se révèle ;
Ils ont pris à ses yeux une teinte nouvelle
À l’heure du départ.

Derrière un voyageur, s’arrondit et s’incline
Par un penchant plus doux, et se change en colline
Un aride coteau ;