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Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/496

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PENSÉES D’AOÛT.


À MADAME TASTU


Madame Tastu, dans une pièce de vers de 1833, avait dit :

Hélas ! combien sont morts de ceux qii m’ont aimée !
Combien d’autres pour moi le temps aura changés i
Je n’en murmure pas ; j’ai tant changé moi-même !
..................
..........Il est des sympathies
Qui, muettes un Jour, cessent d’être senties ;
Et tel, par qui jadis ces chants étaient fêtés,
À peine s’avoûra qu’il les ait écoutés !

Il lui a été répondu :


Non, tous n’ont pas changé, tous n’ont pas, dans leur route,
Vu fuir ton frais buisson au nid mélodieux ;
Tous ne sont pas si loin : j’en sais un qui t’écoute
Et qui te suit des yeux.

Va ! plusieurs sont ainsi, plusieurs, je le veux croire,
De ceux qu’autour de toi charmaient tes anciens vers,
De ceux qui, dans la course en commun à la gloire,
T’offraient leurs rangs ouverts.

Mais plusieurs de ceux-là, mais presque tous, je pense,
Vois-tu ? belle Âme en deuil, depuis ce jour flatteur,
Victimes comme toi, sous une autre apparence,
Ont souffert dans leur cœur.

L’un, dès les premiers tons de sa lyre animée,
A senti sa voix frêle et son chant rejeté,
Comme une vierge en fleur qui voulait être aimée
Et qui perd sa beauté.