Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/513

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
191
PENSÉES D’AOÛT.


Des nappes du fin lin la terre était couverte,
Et les chaumes restants et les brins d’herbe verte
Semblaient un champ de lis subitement levé ;

— Des brebis, tout au loin, bondissaient, blonde écume ;
Et moi, dont l’œil se mouille et dont le front s’allume,
Tête nue, adorant, je récitai l’Ave.


Précy, 9 octobre.


SONNET
DE SAINTE THÉRÈSE


À JÉSUS CRUCIFIÉ


Ce qui m’excite à t’aimer, Ô mon Dieu,
Ce n’est pas l’heureux ciel que mon espoir devance,
Ce qui m’excite à t’épargner l’offense,
Ce n’est pas l’enfer sombre et l’horreur de son feu !

C’est toi, mon Dieu, toi par ton libre vœu
Cloué sur cette croix où t’atteint l’insolence :
C’est ton saint corps sous l’épine et la lance,
Où tous les aiguillons de la mort sont eu jeu.

Voilà ce qui m’éprend, et d’amour si suprême,
Ô mon Dieu, que, sans ciel même, je t’aimerais ;
Que, même sans enfer, encor je te craindrais !