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Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/60

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POÉSIES


Mais, au lieu d’une tiède brise,
Des vents l’orageuse rumeur
Bat des rochers à tête grise,
Et de la vague qui se brise
Gémit l’éternelle clameur.

Sur une grève désolée,
Pour tromper mes ennuis amers,
Tout le jour, ma lyre exilée
Répétait sa plainte mêlée
Au bruit monotone des mers.

Si parfois, après la tempête,
Un rayon perçant le brouillard
Donnait au jour un air de fête,
Et, tombé d’en haut sur ma tête,
Me réchauffait comme un vieillard,

Ma bouche alors aimait redire
Un reste de songe amoureux ;
Sur ma lèvre errait un sourire ;
Un chant s’échappait de ma lyre,
Comme un écho des temps heureux.

Lieux de repos et de tristesse
Où j’espérais bientôt mourir,
De vous laisser qui donc me presse ?
Quelle voix me parle sans cesse
Et de lutter et de souffrir ?

C’est qu’on n’a pas pour tout partage
De soupirer et de rêver ;
Que sur l’Océan sans rivage
Il faut poursuivre son voyage,
Dût-on ne jamais arriver.