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Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/96

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POÉSIES

Moi, j’aime à cheminer et je reste plus bas.
Quoi ! des rocs, des forêts, des fleuves ?… oh ! non pas,
Mais bien moins ; mais un champ, un peu d’eau qui murmure,
Un vent frais agitant une grêle ramure ;
L’étang sous la bruyère avec le jonc qui dort ;
Voir couler en un pré la rivière à plein bord ;
Quelque jeune arbre au loin, dans un air immobile,
Découpant sur l’azur son feuillage débile ;
À travers l’épaisseur d’une herbe qui reluit,
Quelque sentier poudreux qui rampe et qui s’enfuit ;
Ou si, levant les yeux, j’ai cru voir disparaître
Au détour d’une haie un pied blanc qui fait naître
Tout d’un coup en mon âme un long roman d’amour…,
C’est assez de bonheur, c’est assez pour un jour.
Et revenant alors, comme entouré d’un charme,
Plein d’oubli, lentement, et dans l’œil une larme,
Croyant à toi, mon Dieu, toi que j’osais nier !
Au chapeau de l’aveugle apportant mon denier,
Heureux d’un lendemain qu’à mon gré je décore,
Je sens et je me dis que je suis jeune encore,
Que j’ai le cœur bien tendre et bien prompt à guérir,
Pour m’ennuyer de vivre et pour vouloir mourir.


MES LIVRES

À mon ami Paul L… (LE BIBLIOPHILE JACOB)


Nunc veterum libris
Horace.


J’aime rimer et j’aime lire aussi.
Lorsqu’à rêver mon front s’est obscurci,