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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t1, 1878.djvu/496

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PORT-ROYAL.

dépositaire et un dispensateur fidèle, qui ne s’approprie rien des grâces du Maître ; et son cœur était comme une mer qui se pouvait répandre de tous côtés, sans rien diminuer de son abondance[1].

  1. Ce que le récit de Lancelot nous montre là, dans son vrai sens, à l’état de justesse et de sublimité, se travestissait ridiculement ou odieusement dans les récits des adversaires. Le Père Rapin, que je ne cite plus guère depuis que nous avons des actes fidèles qui le démentent, mais dont le manuscrit a été plus ou moins copié par tous les écrivains de sa robe et de son bord, ramasse et commente au long les griefs contre M. de Saint-Cyran aux approches de sa captivité ; il raille en particulier, d’un ton tout à fait mondain, sur ces inspirations puisées dans la prière. N’est-ce pas le moyen, selon lui, de suivre son pur caprice : an sua cuique Deus fit dira cupido’’? (Enéide, IX, 185.) M. de Saint-Cyran, disant la messe dans sa chapelle domestique au Cloître Notre-Dame, se serait arrêté court au milieu du sacrifice et aurait quitté l’autel sans achever : et cela, par une inspiration soudaine de Dieu, aurait-il dit. Cette bizarrerie se serait renouvelée deux fois. Il n’est sorte de propos que le Père Rapin n’accueille. Il va jusqu’à se demander si M. de Saint-Cyran n’était pas friand et sujet à sa bouche (oh ! ceci est trop fort) ; il cite là-dessus je ne sais quel ouï-dire très-semblable à l’une de ces plaisanteries qui couraient sur La Harpe converti. Tout cela est misérable. C’est lui encore, lui chrétien et religieux, qui cherche à rabaisser la retraite de M. Le Maître, à en faire une espèce de dépit amoureux : ce mariage manqué avec la belle personne dont il a été question auprès de la mère Agnès et qui s’appelait, à ce qu’il parait, mademoiselle de Cornouaille, nièce d’un avocat célèbre, explique tout aux yeux du Père Rapin. Il ne voit d’ailleurs dans cette profonde pénitence qu’un sens égaré, et déclare qu’elle fut désapprouvée de tous les honnêtes gens (voir à l’Appendice). En ce moment du plus grand idéal de notre sujet, au plus haut instant de la sublimité de Saint-Cyran, je ne crains pas d’entasser au bas de cette page tant de petitesses dénigrantes : le néant du jugement humain s’y lit tout entier. — Que si le Père Rapin paraît, à toute force, avoir raison aux yeux du sens commun et naturel, qu’il ait donc raison aussi contre tant d’autres choses chrétiennes qu’il admet et auxquelles il croit ! Si vous ne voulez pas du divin, alors supprimez-le partout. — Et comme le Père Rapin reviendra souvent par la suite à cause de ses Mémoires nouvellement publiés, je me permettrai dès à présent de lui dire : « Mon Révérend Père, vous êtes un aimable homme. J’ai vrai-