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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/116

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PORT-ROYAL.

c’est de celles-là qu’il a été tant et si diversement disputé pour savoir si elles étaient en effet dans Jansénius. Les indifférents et les railleurs qui ne manquent jamais en France en firent dès l’abord un sujet de plaisanterie interminable : y sont-elles ? ou n’y sont-elles pas ?

Nous connaissons de tout temps le chevalier de Grammont dont les galanteries, le jeu, le bel air et les prouesses brillantes ont été si agréablement racontées par son beau-frère Hamilton, celui dont Voltaire, dans le Temple du Goût, a dit, en le mêlant au groupe des aimables épicuriens :

Auprès d’eux le vif Hamilton,

Toujours armé d’un trait qui blesse,

    tion chrétienne, par Calvin, dans lesquels l’auteur traite spécialement de la Prédestination, de l’Élection éternelle. La difficulté, pour y être abordée de front et avec audace, ne l’est pas moins avec une adresse, une précaution infinie. L’autorité de saint Augustin y revient sans cesse : « Si je voulois, écrit l’apôtre de Genève, composer un volume des sentences de saint Augustin, elles me suffiroient pour traiter cet argument, mais je ne veux point charger les lecteurs de si grande prolixité. » Jansénius, à sa manière, n’a fait, dans l’Augustinus, que remplir le desideratum du réformateur. « Jansénius a lu saint Augustin avec les lunettes de Calvin. » C’est un mot du Père Michel Le Vassor, quand il était prêtre de l’Oratoire. — Sur ce point de conjonction et ce nœud des doctrines luthérienne, calviniste et janséniste, je recommanderai encore, au tome XIV de la Bibliothèque universelle de Jean Le Clerc, un très net et très judicieux exposé qui achèverait de compléter. — Gibbon, dans son Histoire de la Décadence et de la Chute de l’Empire romain, à l’endroit de la mort de saint Augustin, a glissé une note où il s’est plu à renfermer toutes les contradictions et les ironies : « L’Église de Rome a canonisé saint Augustin et foudroyé Calvin : cependant comme la différence de leurs opinions est imperceptible, même à l’aide d’un microscope théologique, les Molinistes sont écrasés par l’autorité du saint, et les Jansénistes sont déshonorés par leur ressemblance avec un hérétique : tandis que les Arminiens protestants (semi-pélagiens) se tiennent à l’écart, en riant de la perplexité mutuelle des disputants. Peut-être un philosophe encore plus impartial rirait-il à son tour en lisant un commentaire arminien sur l’Épître aux Romains. »