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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/158

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PORT-ROYAL.

médicale spirituelle, et dans cette véritable pharmacopée de la Grâce.[1]

C’en est bien assez pour prouver, non pas du tout que Jansénius eut raison, mais combien, avec ses duretés et ses pesanteurs, il était un grand et subtil esprit, et perçant la profondeur des questions, se posant toutes les difficultés et les enserrant. Son livre est terminé ou plutôt suivi par un parallèle qu’il dresse entre la doctrine des Semi-Pélagiens de Marseille et celle des théologiens modernes, Lessius, Molina, Vasquez. Cet appendice final fut comme la pointe de l’édifice, qui, plus que tout, attira l’orage.

Avant cet appendice et après le traité même de la Grâce du Christ Sauveur, se trouve un Épilogue dans lequel il déclare soumettre son ouvrage à Rome. Les termes pourtant sont assez embrouillés : « Je suis homme et sujet à l’erreur…, j’ai pu me tromper. Que si je me suis trompé en quelque endroit, je sais bien sûrement du moins que cela ne m’est pas arrivé en prétendant définir la vérité catholique, mais simplement en voulant produire l’opinion de saint Augustin ; car je n’ai pas enseigné ce qui est vrai ou faux et ce qu’on doit tenir ou rejeter selon la doctrine de l’Église catholique, mais ce qu’Augustin a soutenu qu’on devoit croire. » C’est ainsi qu’il se range et s’efface tout entier, en finissant, derrière saint Augustin ; mais, après ce qu’il a dit autre part de ce Docteur des Docteurs, de ce cinquième ou sixième Évangéliste avec saint Paul, on ne peut voir là dedans qu’un peu de subterfuge ; et j’avoue que ce finale équivoque me paraîtrait plus digne d’un Gassendi ou d’un Bayle, et de tout rusé qui élude, que de l’altier et croyant Jansénius.

On se figure sans peine, malgré cette précaution et

  1. Voir à l’Appendice un résumé et un abrégé de la doctrine.