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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/185

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LIVRE DEUXIÈME.

feu de la race. Voilà une bonne clef, ce semble, pour entrer chez lui quand il nous plaira. Nous aurons aussi à emprunter sur son compte d’admirables traits de crayon de Du Fossé et de Boileau.

Gui Patin peu flatteur, même quand il loue, nous l’a posé au physique avec une brusquerie piquante : « M. Arnauld est un petit homme noir et laid[1] … » Il est vrai qu’il ajoute comme pour réparer : « C’est un des beaux esprits qui soient aujourd’hui dans le monde, » Bel esprit, non ; ce terme, je le sais, est relatif ; dans ce qu’il signifie pourtant d’essentiel, c’est-à-dire de brillant ou de léger, il ne va point à Arnauld. Gardons-le pour Pascal, même pour M. Hamon.

Il n’a été question jusqu’ici que de la forme et du style de la Fréquente Communion ; le fond du livre nous est assez connu d’avance par ce que nous savons de la doctrine de Saint-Cyran. Il s’agissait d’établir, par l’autorité des Pères et de la tradition, la nécessité de la conversion intérieure avant l’extérieure et préalablement aux sacrements, la véritable repentance exigible du pécheur avant la confession, la contrition du cœur (avec amour de Dieu) avant l’absolution,[2]la pénitence

  1. Nouvelles Lettres, à Spon, 22 février 1656.
  2. Revenant, quarante-cinq ans plus tard, sur ce premier de ses ouvrages, Arnauld écrivait : «Il n’y avoit presque personne, en France, qui fût éclairé sur le délai de l’absolution, avant le livre de la Fréquente Communion. Et c’est ce qui fut cause qu’il fit tant de bruit, les uns condamnant ce qui y étoit dit sur ce sujet, comme une nouveauté blâmable, et les autres en étant ravis, et y donnant une approbation extraordinaire. Il ne paroît point que l’utilité de ce délai ait été connue à saint Philippe de Néri ; et je pense qu’on doit dire la même chose du cardinal de Bérulle et du Père de Condren. Tout ce qu’ils faisoient au plus, est qu’ils refusoient l’absolution à ceux qui témoignoient ne vouloir pas quitter leurs péchés ; mais pour ceux qui témoignoient les vouloir quitter, je doute fort qu’ils ne leur donnassent pas l’absolution. » (Lettre à M. Du Vaucel, du 30 septembre 1689.)