Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
185
LIVRE DEUXIÈME.

dédia sa réplique, intitulée : Brève Anatomie du libelle … au prince de Condé, comme au généralissime du parti. Ce prince, en effet, avait lancé en 1644 des Remarques chrétiennes et catholiques, sur le livre de la Fréquente Communion ; à la vérité son nom ne se trouvait pas en tête, mais il était dit dans le titre que l’écrit était imprimé par commandement. On devina ; personne de Port-Royal ne répondit à l’adversaire Sérénissime. Ses illustres enfants, madame de Longueville et le prince de Conti, se chargeront bientôt des excuses et de la rançon.[1]

Il nous faut sortir de cette mêlée. Les Jésuites, battus dans la forme, avaient ressaisi sous main leurs avantages. Au plus fort de la controverse qu’excitait le livre d’Arnauld (mars 1644), ils parvinrent à circonvenir assez la Reine-Régente et le cardinal Mazarin, pour que l’ordre fût donné à l’auteur d’aller à Rome défendre son ouvrage devant le tribunal de l’Inquisition. Mazarin, en cédant là-dessus, n’avait pour but que de donner gage à la Société et d’en tirer des services au début de son ministère ; le chancelier Seguier y mettait plus d’animosité.[2]

  1. Le Père Rapin prétend que, dès ce temps-là, madame de Longueville fut des premières à faire des railleries de l’écrit du prince son père, et qu’elle alla jusqu’à dire, dans son admiration pour le livre d’Arnauld, que si jamais elle devenait un jour dévote, elle le voulait être de cette façon. Dès lors, et du plus loin, le Jansénisme aurait été pour elle son en cas de retour.
  2. On lit dans le Journal deM. d’Ormesson, qui nous rend l’opinion de la haute bourgeoisie et du monde gallican : « Le vendredi 11 mars (1644), M. le chancelier dit que la reine envoyoit M. Arnauld à Rome pour rendre raison de sa doctrine au pape, ce qui étoit le principe de la doctrine, et qu’il ne lui seroit méfait, étant mis en la protection du cardinal de Lyon. » — « Le vendredi, 18 mars, M. de Machault me dit que l’on s’étoit assemblé au Parlement sur le fait de M. Arnauld pour empêcher son voyage à Rome, comme contraire aux libertés de l’Église gallicane. La Sorbonne s’étoit assemblée pour cela ; mais on avoit reçu défense de rien délibérer ; même ils avoient été trouver la reine