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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/229

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LIVRE DEUXIÈME.

marques qu’il adressait à Arnauld ; mais cinq cents Remarques en vue du silence, c’est un peu trop.

Et M. de Barcos ne différa pas seulement avec les chefs du second Port-Royal sur la ligne de conduite à tenir, il y eut dissidence plus d’une fois sur des points de doctrine. Il avait écrit pour une religieuse ses sentiments sur l’Oraison dominicale[1] : Nicole ne les trouva pas de son goût et y répondit en détail ; mais il tint sa réponse secrète et ne publia ses idées sur l’Oraison qu’après la mort du docte abbé. On retrouve toujours Nicole ainsi parmi les adversaires-amis de M. de Barcos. Le modeste Nicole fut très agissant sous main, dès qu’il s’en mêla, et il contribua autant que personne à modifier l’esprit du second Jansénisme. On attribuait surtout à son influence sur Arnauld l’opposition habituelle que celui-ci marquait au second M. de Saint-Cyran.

M. de Barcos était tellement prédestiné aux contradictions qu’un dernier ouvrage posthume, de lui, ressuscita à son endroit les orages. Il avait, sur la demande de l’évêque d’Aleth, Pavillon, composé une Exposition de la doctrine de l’Église sur la Grâce et la Prédestination, espèce de gros Catéchisme où était reprise de source la pensée première de Louvain et d’Ypres. L’écrit ne fut imprimé qu’en 1696. Il en résulta à l’instant une Censure du digne archevêque, M. de Noailles, une Ordonnance assez ambiguë, en deux points presque contradictoires, et, autour de cette Ordonnance, une controverse du sage Du Guet, de Quesnel plus vif, de quelques autres plus violents, en un mot tout un combat.

Sans aller plus loin pour le moment, sans prétendre trancher à l’avance dans les situations et les caractères, je me borne à tirer cette remarque générale et qui me

  1. Sentiments de l’abbé Philérème touchant l’Oraison dominicale, publié seulement en 1696.