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LIVRE DEUXIÈME.

Seroit comme un miroir dont la glace luisante
Recevroit ces objets sans les pouvoir aimer.

Ce dernier vers charmant respire à la fois la persuasion et la plainte.[1]

Mais c’est surtout par ses traductions en prose que d’Andilly se recommande. Il traduisit successivement saint Eucher, Du Mépris du Monde, les Confessions de saint Augustin, les Vies des Saints Pères des Déserts et l’Échelle de saint Jean Climaque, les Œuvres de sainte Thérèse et celles du bienheureux Jean d’Avila…, enfin, l’Histoire des Juifs de Josèphe.[2]

En ces divers écrits règne une manière facile, abondante, naturelle, et en même temps quelque peu magnifique, un style grand et étendu, à l’espagnole, comme le dit Vigneul-Marville qui veut faire à d’Andilly l’honneur d’avoir introduit cette façon. C’était purement celle qui dérivait du seizième siècle, mais légèrement passée et clarifiée à la politesse académique, sans précision toutefois et sans rigueur de détail ; elle n’en est que plus agréable dans son ampleur, et une fois au fil du courant, on ne trouve pas qu’il y ait trop de phrases.

  1. « Ce fut M. de Saint-Cyran, nous dit Lancelot (Mémoires, tome II, p. 125), qui aida M. d’Andilly, encore dans le monde, à faire ses Stances des Vérités chrétiennes, et qui lui envoya de sa prison la matière de plusieurs… » J’aime à croire que cette pensée du miroir en était, et qu’elle arrivait comme un avis au rimeur. Il y a un verset de l’apôtre saint Jacques qui n’est pas sans quelque rapport avec la stance, et où il est également question de miroir : « Celui qui écoute la parole de Dieu et qui l’oublie est semblable à un homme qui regarderait son visage dans un miroir et qui, le dos tourné, ne se souvient plus comme il est. » — Les Stances et Poésies chrétiennes étaient imprimées au complet dès avril 1642.
  2. Tous ces ouvrages, et quelques-uns moindres que j’omets, se trouvent réunis dans la belle édition des Œuvres de M. d’Andilly (8 vol., in-folio) publiées à Paris, chez Pierre Le Petit, en 1675, c’est-à-dire dans l’année qui suivit la mort de l’auteur : ce lui fut comme un monument.