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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/303

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LIVRE DEUXIÈME.

bonne et déjà bénéficier, il fut touché d’avoir vu M. Hillerin aux environs de son ermitage du Poitou : par lui il lut la Fréquente Communion et connut Port-Royal. Une fois venu en ce lieu, il y voulut demeurer, et se fixa aux Granges dans un petit logis couvert de chaume, qu’il se fit bâtir au bout du jardin et qu’on appelait gaiement le Palais Saint-Gilles, comme pour faire pendant au Petit-Pallu (du jardin d’en bas). Il avait en son pays, qui confinait à la Bretagne, un prieuré dépendant de l’abbaye de Geneston, dont M. de Pontchâteau, alors très-jeune, était abbé : ce qui ménagea la prochaine liaison de celui-ci avec Port-Royal. M. de Saint-Gilles, tout solitaire qu’on le croirait, et qui voulut être d’abord le menuisier, puis le fermier du monastère, en devint l’agent actif, l’homme d’affaires au dehors dans les grands moments. Les impressions d’écrits de ces Messieurs se faisaient par ses soins ; il avait sur le corps des arrêts du Châtelet, et s’entendait à merveille à déjouer les gens du roi. Personne n’aurait eu plus de particularités piquantes à raconter sur la publication des Provinciales ; nous ne serons pas sans lui en dérober quelques-unes. À la ville, il portait au besoin l’épée comme plus commode, ayant affaire à toutes sortes de gens. Avec plus d’entrain et de belle humeur qu’un pénitent ordinaire, il faisait le délassement de M. Arnauld, de M. Singlin, dans les courses, les fuites ou les retraites qu’il partageait avec eux. Il savait du grec et jouait admirablement de la flûte. Les voyages étaient son fort. Quand madame de Longueville, convertie, se repentant d’avoir tant aidé aux guerres civiles et d’y avoir ruiné tant de pauvre monde, voulut, par le conseil de M. Singlin, restituer autant que possible sur les lieux et aux personnes mêmes, ce fut M. de Saint-Gilles qui fut chargé d’aller aux frontières de la Champagne, vers Stenai, pour distribuer dans les villages les aumônes de la princesse. Il faut tout dire : c’est lui