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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/317

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LIVRE DEUXIÈME.

En même temps on trouvait moyen d’expédier des convois de farine et de provisions aux sœurs de Paris qui étaient en danger de famine ; quelques-uns des solitaires formaient l’escorte. La plupart de ces Messieurs, en effet, retirés dans les fermes, avaient été, dès l’abord, priés de descendre pour faire la garde à l’abbaye et pour fortifier certains endroits plus faibles de la clôture. On obtint même, pour l’un d’eux, la permission de porter la casaque d’un des gardes de M. le Prince, ce qui pouvait aider au respect, si un parti fût venu ; Son Altesse, qui connaissait le solitaire qu’on lui nomma (La Petitière ou autre), consentit aisément. Ces vieux militaires se prêtaient à cette reprise d’épée avec un reste de plaisir permis et un dévouement qui tenait à la fois de la charité et de la courtoisie même.

Les religieuses restées à Paris furent peut-être plus exposées dans cette première guerre que celles des Champs ; comme le faubourg Saint-Jacques à cette extrémité semblait peu sûr, on jugea à propos de les faire entrer dans le Cœur de la ville. Mais le peuple du faubourg était jaloux de son trésor et fit mine de s’opposer à cette sortie. C’est alors que M. de Bernières, maître des Requêtes, et son collègue M. Le Nain (père de Tillemont), tous deux en robes de magistrats, vinrent présider à l’exécution : le 12 janvier (1649) ils menèrent processionnellement et en silence les religieuses au nombre de plus de trente, la mère Agnès, prieure, en tête, avec madame d’Aumont, jusqu’à une maison proche des Grands-Augustins (rue Saint-André-des-Arcs), qui appartenait à M. de Bernières lui-même, et qui leur servit d’asile durant trois mois. Cette lente translation processionnelle, à travers les rues, avec ces robes de

    la Fronde. Il me semble que la voilà bien exprimée et toute rassemblée ici. On n’a qu’à multiplier les tableaux.