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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/368

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PORT-ROYAL.

Port-Royal maintint d’abord le droit et le devoir qu’ont les fidèles de lire l’Écriture Sainte en langue vulgaire. M. Arnauld eut à soutenir toute une polémique, et cette fois bien indispensable et légitime, à ce sujet. On n’avait rien dit, ou du moins on ne disait plus rien contre les anciennes traductions que personne ne lisait ; mais, dès que Port-Royal s’avisa de traduire, il eut à conquérir pour son compte, à maintenir sans trêve ce droit et cette obligation, qu’on se mit à lui contester avec acharnement. Le Missel, le Bréviaire romain, surtout la Bible, ne furent traduits de nouveau qu’au milieu de continuelles entraves. Oui, jusque dans la traduction du Bréviaire et du Missel, il y eut à lutter ; le droit de comprendre était en cause. Ils représentaient le bon sens et la raison vigilante au sein du Christianisme, ces humbles hommes persécutés ou tracassés, Saci, Le Tourneux, Mésenguy.[1]


    série non interrompue de Bibles catholiques traduites en français, et qui ont côtoyé les traductions vulgaires des hérétiques, des Vaudois, et, à partir du seizième siècle, des Protestants. Ces Bibles traduites, sans être jamais formellement interdites, avaient été pourtant fort surveillées, souvent censurées, et avaient donné une inquiétude manifeste aux chefs de l’Église romaine. C’est dans cette voie difficile, étroite, sur cette marge périlleuse et mal définie, à grand’peine laissée par Rome et par la Sorbonne à la traduction des Écritures, que Port-Royal s’engagea. Précaution, circonspection, sagesse n’y firent rien d’abord. Le Nouveau-Testament de Mons resta toujours sous le coup de l’assaut qu’il avait suscité. Pourtant, dans sa grande Bible, où il le refondit, M. de Saci, à force de prudence et de discrète lumière, arriva à bonne fin sans encombre, et accomplit sous des yeux jaloux son œuvre irréprochable. Vers le même temps où il réussissait à mener et à contenir de la sorte traduction et explications sur la ligne rigoureuse, le fameux Richard Simon ouvrait hardiment la voie de ce qu’on appelle Exégèse. Spinosa y entrait également. On a déjà tous les degrés.

  1. L’abbé Le Camus, avant d’être évêque, disait un jour spirituellement à son ami l’abbé de Pontchâteau : « C’est une chose singulière : les Huguenots disent que l’Écriture est très-claire, et