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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/374

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PORT-ROYAL.

ponne, bien peu de mois avant la fin de ce maître vénéré. On y trouve le pendant des autres conversations si belles de M. de Saint-Cyran, de M. Le Maître et de M. Singlin ; prêtons également l’oreille à celle-ci.

M. de Saci donc était tombé malade à Pomponne, d’une fièvre quarte, dans l’été de l’année 1683 ; on l’avait vite transporté à Paris pour le mettre plus à portée des médecins. Fontaine avait couru vers lui, mais sans pouvoir être reçu. Quand M. de Saci se trouva mieux et qu’il fut retourné à Pomponne, il écrivit à Fontaine de venir, et celui-ci arriva tout joyeux de cette guérison qu’on croyait complète :

«Dès qu’il me vit entrer dans sa chambre, il courut à moi pour m’embrasser, et moi j’avançai et me jetai à ses pieds pour lui demander sa bénédiction : il me tint embrassé longtemps. Lorsque l’un et l’autre nous versions des larmes, il me parla le premier, ce que le respect me faisoit attendre : Hé bien ! Monsieur, me dit-il, on vous a donc traité comme les autres ? comme pour me faire excuse de ce qu’on ne me l’avoit pas laissé voir à Paris.»[1]

Après bien des explications prolongées et tout affectueuses, M. de Saci expose à Fontaine le sujet particulier pour lequel il l’a demandé. Il s’agissait de traduire, pour Pellisson converti et devenu convertisseur, un gros volume de passages que ce dernier avait recueillis des Pères et qu’il destinait à combattre les hérétiques. M. de Saci avait jeté les yeux sur Fontaine pour ce travail : une pension (car Pellisson était à la source) pouvait en être le prix. Fontaine s’empressa d’accepter l’ouvrage, mais en rejetant toute idée de secours : à sa sœur et à lui le peu qu’il avait, grâce à Dieu, leur suffisait. Sur quoi M. de Saci, qui était debout à chercher quel-

  1. J’ai déjà remarqué la gravité de cette appellation de Monsieur à l’égard d’un si ancien et si tendre ami.