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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/436

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PORT-ROYAL.

droit perfide. Il excepte d’ordinaire la religion, et la met hors de cause, comme trop respectable pour qu’on en parle ; ce qui ne l’empêche pas, chemin faisant, d’en parler. Il est contre la traduction et la lecture des Écritures, et il s’arrange bien mieux en ce sens, comme en beaucoup d’autres, de l’habitude catholique romaine que de l’exigence des Réformés. Il y a du politique sage en cela, et autre chose encore. Il veut laisser au prêtre seul l’usage, dit-il, de ces saintes et divines chansons (il entend les Psaumes) ; lui laïque, lui simple auteur de fantaisie, il ne vise si haut ; le simple Patenôtre est assez ; il dirait volontiers, à force de faire respectables ces livres et ces sujets de réflexion éternelle :

Sacrés ils sont ; que personne n’y touche !

Plus la porte du temple est haute, et moins on court risque de s’y heurter le front. Ce genre d’extrême en pareille matière, il le sait, touche de près à la désuétude. Il s’accommoderait à merveille de certains pays où, la cérémonie faite, on est libre, où l’on est cardinal et honnête homme. C’est là ce qui ressort de tout son livre[1]. Je sais qu’il est mort convenablement, comme Gassendi, comme La Rochefoucauld, avec tous les témoignages sacramentels ; il a fait une fin : sans prétendre juger la personne en ce moment insondable, le livre du moins est ouvert à tous, et je le juge.

Maint chapitre, celui des Prières, celui du Repentir, seraient aussi décisifs, à les serrer de près, que l’Apologie de Raimond Sebond. Même en ces chapitres, il se pourrait opposer, contrairement à l’esprit général, telle phrase juste, modérée en religion, incontestable.[2]

  1. Mademoiselle de Gournay, dans sa Préface, ne le défend contre Baudius, sur l’article religieux, que comme un excellent Catholique et puissant pilier de la foi des simples ; — oui, des très-simples.
  2. Ainsi le chapitre des Prières finit par une pensée aussi sensée