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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/497

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LIVRE TROISIÈME.

4 janvier 1652, après en avoir fait, la veille au soir, toucher par sa sœur quelque chose à son frère, qui, tout attristé, ne la voulut point voir, elle sortit le matin dans une grande égalité d’esprit, ne disant aucun adieu de peur de s’attendrir ; et ainsi elle quitta le monde, âgée de vingt-six ans et trois mois.

Nous avons ici une répétition, pour le fond, un pendant des scènes de la mère Angélique avec son père, quand il s’agissait de l’entière réforme et de la clôture.

Mademoiselle Pasfcal n’avait fait présenter à son frère cette retraite que comme un essai momentané ; mais, quand elle lui écrivit, après deux mois, pour se déclarer définitivement, quand, dans cette lettre, elle lui marquait avec tendresse : « J’ai besoin de votre consentement et de votre aveu, que je demande de toute l’affection de mon cœur, non pas pour pouvoir accomplir la chose, puisqu’ils n’y sont pas nécessaires, mais pour pouvoir l’accomplir avec joie, avec repos d’esprit, avec tranquillité ; car, sans cela, je ferois la plus grande, la plus glorieuse et la plus heureuse action de ma vie avec une joie extrême mêlée d’une extrême douleur, et dans une agitation d’esprit indigne d’une telle grâce… Il est juste que les autres se fassent un peu de violence, pour me payer de celle que je me suis faite depuis quatre ans… ; » quand elle lui écrivait de ce ton, elle ne réussissait qu’à le blesser. Il finit par y consentir, mais de mauvaise grâce ; et, l’année du noviciat expirée, lorsqu’ayant eu ses voix pour la profession, elle écrivit encore pour en faire part et mettre la dernière main aux affaires, elle trouva en son frère chicane, tranchons le mot, et mauvaise volonté. Elle-même, la sœur de Sainte-Euphémie (c’est son nouveau nom), a transmis fort au long tout ce détail, à la louange du désintéressement et de la charité de Port-Royal et de la mère Angélique en particulier. C’est tout un drame intérieur que cette peine, cette in-