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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/557

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APPENDICE.

rend incapable de connoître la vérité qui ne se découvre qu’à ceux qui se recueillent au dedans d’eux-mêmes.»

M. Du Hamel nous est parfaitement défini par ces traits divers qui expliquent sa nature, ses exaltations et ses défaillances C’était un homme d’activité et de chaleur plus que d’étude et de doctrine : son inaction lui pesait. Les relations sympathiques, multipliées lui étaient nécessaires. Son troupeau à conduire lui manquait. Il se laissa donc tenter de reprendre ses fonctions utiles et de retrouver son même champ à labourer, à ensemencer : il eut du mécompte. Revenu dans cette paroisse de Saint-Merry après dix ans d’absence, il ne la retrouva plus la même pour lui. Les uns le considéraient toujours comme Janséniste et l’évitaient ; les autres le considéraient comme renégat, comme transfuge, et ne le recherchaient plus. Depuis son changement, en un mot, tout était changé, excepté ses ennemis.

Et ces ennemis, on sait maintenant ce qu’ils sont. Ils ont parlé par la plume de Père Rapin, et que n’ont-ils pas dit ? Toutes les qualités de M. Du Hamel ont été travesties, toutes ses actions incriminées. On conçoit ce que la conduite d’un curé de Paris vif, ardent et tout dévoué au Coadjuteur pendant la Fronde, pouvait offrir de prise aux interprétations défavorables ou malignes. Le Père Rapin n’en néglige aucune. Il trace le portrait de M. Du Hamel comme si le curé rival lui avait donné des notes, et les notes on été fournies en effet par cet ennemi intime. La dénonciation est partout dans le récit. Il voudrait bien pouvoir dire que les mœurs d’un curé si cher a ses paroissiennes étaient mauvaises : n’osant l’affirmer ouvertement, il l’insinue[1]. Tous les faits sont tournés à

  1. «Il est à remarquer, dit-il, que ce tempérament affectueux (de M. Du Hamel), en lui servant pour gagner des gens au parti, le menoit quelquefois plus loin que la bienséance du caractère de pasteur ne lui devoit permettre. Car on sut bien des choses, qui éclatèrent alors malgré toutes les précautions des personnes intéressées, que la pudeur d’une histoire sainte comme celle-ci ne permet pas de publier. L’histoire anecdotique du Père Rapin n’est pas du tout sainte : mais il fait ici en douceur le métier de Basile, le métier de Tartufe : ce qu’il ne sait pas, il l’insinue à mots couverts, de manière à faire croire des énormités. Or voici ce qu’on lit, comme réponse directe, dans l’Histoire de M. Du Hamel écrite par un honnête homme dont le récit a tous les caractères de la sincérité : Comme les ennemis de M. Du Hamel ne trouvoient rien ni dans sa doctrine ni dans ses mœurs pour le faire chasser de Saint-Merry, deux des plus animés et des plus considérables s’avisèrent d’un terrible moyen pour le perdre. J’ai de la peine à le dire, et on en aura à le croire ; mais comme on trouve dans l’histoire ecclésiastique des exemples de cette méchanceté, que la personne qui en fut l’instrument est encore pleine de vie, qu’elle raconte elle-même cette histoire à des gens dignes de foi, et que M. Du Hamel l’a aussi dite à quelques-uns de ses amis, je crois la devoir mettre dans cette Relation, afin que la postérité juge et voie jusqu’où la passion est capable de porter les hommes quand elle est couverte des apparences du zèle. Voici donc l’histoire telle que je l’ai apprise de ceux à qui M. Du Hamel l’a racontée. On suborna une femme belle et bien faite pour tenter M. Du Hamel et le faire tomber dans le péché. Elle le vit plu-